Adolphe Yemtim

Adolphe Yemtim : « le Burkina a besoin d’action en matière de développement »

Adolphe Yemtim, sociologue diplômé de l’université d’Ouagadougou est consultant auprès de nombreuses ONG. Il a notamment œuvré pour le compte de la Croix-Rouge au déploiement du projet du centre polyvalent de Loumbila.

Scribouille : Adolphe Yemtim, pourriez-vous nous expliquer quel a été votre rôle sur le projet conjointement mené par les Croix-Rouge monégasque et burkinabé ?

Adolphe Yemtim (A. Y.) : Dans le cadre du projet de la Croix-Rouge, j’ai surtout travaillé sur le projet communautaire afin de faire ressortir les éléments contextuels, les priorités de la commune ainsi que l’évaluation de la faisabilité de ce projet. Et je dois dire que celui-ci a été très bien accueilli. Les communes au Burkina Faso ont souvent beaucoup de priorités et ont besoin d’action en matière de développement. Voir une si belle initiative venir s’implanter à Loumbila plutôt qu’à Ouagadougou, ça a été très bien reçu car ce projet ne peut que profiter aux communautés locales.

Scribouille : Justement, quelles sont les retombées attendues sur ces populations, pouvez-vous nous en dire plus ?

A. Y. : Il y a de la formation hôtelière déjà et ça concerne des jeunes du coin. Il y a également un groupement des femmes qui viennent faire du maraîchage avec une approche respectueuse de l’environnement. Ces productrices ont la possibilité d’influencer les pratiques en cours qui reposent sur l’usage excessif de pesticide. C’est un problème majeur. D’autant que la commune dispose d’un barrage censé approvisionner la capitale en eau potable mais les maraichers ont tendance à produire au niveau même du barrage. Ce qui pose question au niveau de l’assainissement. Il faudrait plus d’actions comme les nôtres pour inverser les tendances. Mais, ici, on a travaillé aussi à recycler ce qui est recyclable et à limiter le plus possible les déchets qui impactent négativement la nature. Tout en suscitant un intérêt pour les initiatives respectueuses de l’environnement. Le béton, par exemple, est la base de toute construction généralement. Il a été autant que possible remplacé par des briques de terre compressée produites localement. Un matériau solide, durable et adapté à la régulation de la chaleur. Il faut s’en inspirer.

Scribouille : Est-ce difficile de convaincre les communautés de changer leurs habitudes ?

A. Y. : Non, bien au contraire. Ce fut très bien accueilli par les producteurs qui ont souvent des idées vagues sur la dangerosité de certains produits employés mais qui n’ont aucune alternative. Le ministère de l’Agriculture burkinabé n’a pas encore les moyens de soutenir une production bio. Même les techniciens du ministère n’ont pas été assez sensibilisés sur ces questions-là. Il faut donc bien l’intervention de partenaires technico-financiers pour que les gens puissent avoir des alternatives. Avec cette initiative des Croix-Rouge monégasque et burkinabé non seulement cette question est discutée mais en plus elle bénéficie d’un cadre sécurisé, d’un financement, de conseils techniques mais aussi d’une visibilité avec la présence de l’hôtel. C’est tout bénéfice.

Burkina-Faso : la Croix-Rouge recycle pour le futur

Scribouille : Pour un sociologue, habitué à travailler sur de l’existant, ce doit être grisant que d’être à l’origine d’un tel projet novateur, comptez-vous garder un œil sur son évolution ?

A. Y. : C’est quelque chose que je vais suivre de près et c’est un honneur que d’accompagner un tel projet car c’est tout un processus d’apprentissage en fait pour ceux qui mettent en œuvre le projet comme pour les communautés environnantes. L’important est qu’il y ait assez de communication entre les différents acteurs mais surtout qu’il y ait une idée partagée de vers où on veut aller. Le tout en tendant à structurer les différentes dimensions du projet. Il faut accompagner ce projet mais aussi faire en sorte que les communautés puissent venir voir pour tirer des leçons de ce qui se passe sur ce site au bénéfice des populations.

Scribouille : Et, justement, tout le monde tire t-il dans le même sens jusqu’à présent ?

A. Y. : A l’heure actuelle oui ! Il faut dire que toutes les problématiques sont liées et en consultant le plan de développement communal de Loumbila, qui compte 14 objectifs stratégiques, il est ressorti que 7 sont pris en compte par le projet communautaire de la Croix-Rouge. C’est donc une possibilité pour les acteurs de faire des ponts entre les différents attentes pour arriver à un développement véritable de la commune.

Scribouille : Dans le contexte actuel d’insécurité, où il est recommandé aux Occidentaux notamment d’éviter le pays, pensez-vous que ce projet peut être viable ou qu’il s’agit finalement d’une belle utopie ?

A. Y. : Ce projet peut réussir. Nous sommes tous confrontés à un contexte d’insécurité et ce qui arrive ici peut arriver ailleurs. Il faut juste apprendre à vivre avec. Ce genre de projet doit être accompagné malgré tout car il est porté par des gens qui veulent aider les communautés. C’est du devoir même du gouvernement burkinabé que de créer les conditions nécessaires pour que ce genre d’initiative puisse perdurer.

Hervé Pugi

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