Honorat Sognon

Honorat Sognon : « le Burkina a basculé en mode urgence »

Expert en ingénierie de formation, Honorat Sognon cumule 15 années d’expérience dans le secteur humanitaire (Actions contre la Faim, Médecins du monde Belgique, Croix-Rouge française, Institut Bioforce). Il se trouve désormais être le consultant pour les Croix-Rouge monégasque et burkinabé dans le cadre de la mise en place des programmes de formations prodiguées au centre polyvalent de Loumbila courant 2020.

Scribouille : Pourriez-vous nous expliquer le genèse de ce projet atypique qui marque la collaboration entre les Croix-rouge burkinabé et monégasque ?

Honorat Sognon (H. S.) : L’histoire du centre polyvalent de Loumbila, c’est tout à la fois l’histoire d’un projet muri et d’une opportunité unique qui ont permis d’aboutir à la mise en place de ce beau projet. Projet muri tout d’abord car le cœur de métier de la Croix-Rouge, au-delà de toutes les autres actions sociales et humanitaires qu’elle peut mener, reste la formation aux premiers secours. Mais ici, au Burkina Faso, il y a avait cette double volonté de développer ces formations tout en proposant une nouvelle offre plus adaptée aux humanitaires, par exemple. Cette ambition il fallait pouvoir la loger dans un lieu qui soit parfaitement adapté. D’un côté, la Croix-Rouge burkinabè avait ce terrain à Loumbila qu’elle désirait pouvoir exploiter à bon escient. De l’autre, il y avait la Croix-rouge monégasque qui avait « hérité » du pavillon de la Principauté lors de l’exposition universelle de Milan de 2015. La bonne entente entre les deux pays et les deux organisations ont permis d’aboutir à cet établissement unique en son genre.

Scribouille : L’originalité du site est que loin de ressembler à un simple dispensaire de campagne, le centre polyvalent est logé au cœur d’un hôtel de fort belle facture avec sa piscine semi-olympique et son service digne des standards européens. Comment expliquez-vous et justifiez-vous ce mélange des genres ?

H. S. : A première vue, il est vrai qu’on peut facilement imaginer se trouver dans un simple établissement hôtelier. Il faut toutefois toujours garder à l’esprit que ce centre à deux vocations. Pour la Croix-Rouge, il s’agit de disposer de salles de formations. Ce qui est le cas. Pas que de formations d’ailleurs car l’établissement est tout à fait capable d’accueillir des séminaires. Ce site permet à des organisations ou n’importe quelle structure de réaliser pas mal d’activités comme des réunions d’équipe, des team building notamment, et ce dans des conditions résidentielles. Ces activités sont administrées par le groupe hôtelier Azalaï, leader dans son secteur en Afrique de l’Ouest, qui permet par la même occasion d’accroitre les revenus de la Croix-Rouge. Nous sommes tous témoins aujourd’hui de la crise humanitaire qui secoue le pays et toute la région. Un contexte qui réclame des moyens exponentiels. Alors, même si la Croix-Rouge est accompagnée par des bailleurs de fonds fidèles, elle a besoin de ressources additionnelles. L’exploitation de ce complexe participe à accroitre ces ressources pour développer nos missions. Le groupe Azalaï exploite les lieux de manière très professionnelle et c’est un partenariat gagnant-gagnant pour tout le monde.

Scribouille : Vous l’avez évoqué, la Croix-Rouge entend développer son offre de formations. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

H. S. : Notre cœur de métier, c’est le premier secours mais le projet va dépasser ce cadre. Nous planifions le déploiement de formations de type humanitaire. Des formations de 35 à 40 heures entièrement dédiées aux professionnels. L’idée étant de les aider à renforcer leur capacité. Ce seront des formations de type pratique délivrées par des acteurs expérimentés du secteur, maîtrisant leur thématique. Nous voulons donner une réelle opportunité aux acteurs humanitaires de former leurs équipes en vue de pouvoir délivrer des projets de qualité. Le besoin est vraiment très important.

Scribouille : Qu’entendez-vous concrètement au juste par « formation humanitaire » ?

H. S. : Il s’agit tout autant de la gestion, du suivi et de l’évaluation des projets mais également de sujets plus concrets comme la prise en charge de la malnutrition ou la gestion de situation d’urgence. Il y aura tout un panel de formations transversales mais aussi techniques. Par exemple, la question de la gestion de la sécurité des équipes fait désormais partie des préoccupations principales de l’activité humanitaire : pouvoir se déployer sur le terrain en toute connaissance des risques et des menaces auxquels elles peuvent être confrontées et savoir quelle attitude adopter.

Scribouille : Est-ce le contexte qui a dicté l’implantation de ce centre ou était-ce un besoin de longue date ?

H. S. : Même si le Burkina a longtemps été un ilot de stabilité, certaines problématiques – comme la malnutrition par exemple – étaient déjà cycliques. Il y a toujours eu pas mal de structures humanitaires qui déployaient des projets, des activités de l’ordre du développement comme de l’urgence. Là, on a totalement basculé dans le mode urgence avec ces déplacés internes et l’insécurité qui vient exacerber le contexte humanitaire. Les gens ont des besoins en abris, en protection, en vivres, en santé primaire… Il y a beaucoup d’acteurs qui font pas mal de choses et qui recrutent localement mais ces gens ne sont pas forcément formés. Alors, oui, le contexte ont l’avait un peu déjà anticipé, pas forcément dans la dimension de la dégradation actuelle, mais avec cette idée qu’il faudrait accompagner les équipes humanitaires. Le contexte actuel prouve juste que l’on a bien fait.

Scribouille : De fait, ce contexte va-t-il influer sur l’offre de vos formations ?

H. S. : Lorsqu’on voit la situation à laquelle est confrontée le Burkina, même si on espère que la situation sécuritaire va rapidement se régler, les effets collatéraux vont demeurer pendant un moment auprès des populations et la demande de moyens va aller croissant. Il y aura quelque chose à faire dans la durée. C’est pour cela que l’offre va aller de manière graduelle.

Scribouille : Un dernier mot sur la coopération entre les Croix-Rouge burkinabé et monégasque. Qu’apportent vos alter-ego de la Principauté ?

H. S. : Déjà, les deux structures portent ce projet. La Croix-Rouge de Monaco est un partenaire qui nous accompagne dans le cadre de nos missions. Elle permet à la Croix-Rouge burkinabè de développer les capacités de ses équipes en proposant un savoir-faire bien maîtrisé – comme le secours nautique – par leurs équipes. Il s’agit donc d’un transfert de compétences. Il y a beaucoup d’interactions profitables.

Entretien réalisé par Hervé Pugi

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